La Croatie : du communisme au mondialisme, Réfléchir et Agir (N°48, automne 2014)

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La Croatie : du communisme au mondialisme Suite à diverses données géopolitiques survenues à la fin de la prétendue Guerre Froide et à la sclérose de la mystique trotskiste, maoïste, castriste, titiste chez les scribes occidentaux, l’irruption des temps politiques dans le monde relativement apolitique de l’homo sovieticus n’a pas tardé à se produire dans les pays communistes créés au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Cela fut surtout le cas du pays bric-à-brac nommé la Yougoslavie, dont les peuples constitutifs n’ont pas tardé en 1991 à reprendre leur liberté. Pourtant dans l’optique de l’an 2014, le prix de cette séparation fut fort élevé.

Ce n’est pas une blague du tout que de soutenir la thèse que la naissance de la nouvelle Croatie en 1991 fut due à la politique jacobine menée par le communiste serbe Slobodan Milosevic dont le but était de garder par force divers peuples dans le giron yougoslave à domination serbe. En effet, à part des émigrés croates et quelques proscrits anticommunistes dans la République fédérale socialiste de Croatie, peu de Croates avant 1991 songeaient à la création d'un État séparé. Il fallut attendre le méchant Autre, en l’occurrence la menace de la Grande Serbie pour se lancer dans l’aventure sécessionniste. À des rares exceptions près, la naissance de la nouvelle Croatie, en 1991, ne fut que la réponse réactive des anciens apparatchiks croates au prétendu danger grand-serbe. Faute de mieux, cette année-ci, il était de rigueur de devenir un bon nationaliste croate malgré soi. Le Commissaire et le Marchand Au début des années quatre-vingt-dix du siècle précédent, et à l’instar des autres pays de l’Est communiste, le communisme s'est effondré en Yougoslavie parce que ses idées s’étaient déjà beaucoup mieux réalisées en pratique dans les pays capitalistes de l’Ouest. De nombreuses tentatives précédentes du gouvernement communiste yougoslave – comme l'instauration du dogme égalitaire, la terreur intellectuelle, le langage du politiquement correct, ainsi que la croyance au progrès économique éternel – scandées par un prêchi-prêcha multiculturel sur toutes les longueurs d’onde et auxquelles les anciens titistes et leurs consorts au sein de la gauche divine occidentale avaient autrefois rêvé, avaient déjà été mieux réalisées en Occident capitaliste. Il était donc prévisible que les anciens clercs yougo-communistes de l'ex-République socialiste de Croatie, une fois la mystique internationaliste communiste et titiste essoufflée, n’auraient aucune difficulté à se convertir au mondialisme américanophile et à accepter à bras ouverts l’idéologie du marché libre. D’ailleurs, le même recyclage intellectuel s’était déjà accompli, beaucoup plus tôt, chez les soixante-huitards français et allemands. Que le commissaire puisse devenir marchand s’inscrit dans la règle de circulation des élites. Que l’énergie internationaliste puisse se transformer en énergie nationaliste nous a été démontré à maintes reprises par tous les pays européens au cours du XXe siècle. De plus, l’ancien commissaire, suite à la chute du communisme en Europe orientale et après sa brève aventure anticommuniste et pseudo-nationaliste, n’a pas eu de mal non plus pour se recycler en un bon marchand. Au sein de la nouvelle classe politique en Croatie d’aujourd’hui, les gens les plus fortunés sont les ex-titistes et leur progéniture néolibérale, y compris les anciennes barbouzes issues de l’appareil de sécurité communiste. Bien entendu, le père de la nouvelle Croatie, lui-même ancien titiste, feu le président Franjo Tudjman, lors de l’éclatement de la Yougoslavie en 1991, n’avait point voulu écarter ses anciens compagnons de route. Il en avait besoin pour mettre son projet d’indépendance croate en marche. La guerre qui s’ensuivit fut au fond une guerre orchestrée par les communistes serbes contre les communistes croates, et elle aboutit par la suite à une guerre interethnique. Alors que les nationalistes croates, purs et durs, se portaient volontaires pour le front, les titistes et les Yougoslaves de la nouvelle Croatie avaient prudemment gardé profil bas tout en s’emparent des postes importantes dans le secteur bancaire et dans le nouveau gouvernement croate. La tragédie croate consista dans le fait que les nationalistes croates, en 1991, tombèrent dans le piège : au lieu de diriger leur haine contre les Yougoslaves et les communistes, ils ont fini par se lancer dans une guerre inutile contre les nationalistes serbes. Ceux qui ont en profité, des deux côtés, furent les anciens titistes bien tapis, les anciens membres du Parti communiste yougoslave, ainsi que les anciens bureaucrates de la police secrète yougoslave qui attendaient leur nouvelle heure de gloire.

La Croatie « libérée » Et cette heure n’a pas tardé à venir après la mort de Tudjman en 1999, suivie du cheminement forcené de la Croatie vers l’Union Européenne. Tout compte fait, l’Union Européenne, à savoir la nouvelle « l’Euroslavie », se révéla un carcan mondialiste beaucoup plus efficace que le carcan yougo-communiste. Autant dire que ce nouveau carcan mondialiste « à la yougoslave » fonctionne à heure actuelle à merveille pour la destruction des peuples européens. Le processus d’indépendance croate fut en effet un faux semblant ; un faux semblant bien coûteux en vies pour les nationalistes croates et les nationalistes serbes. Une bonne chose survint toutefois suite à la fin du communisme en Yougoslavie. Les citoyens croates ont découvert le vrai visage du capitalisme mondialiste. Aux temps de la Yougoslavie communiste, le visage sauvage du capitalisme pouvait être dissimulé par les mondialistes derrière l’imaginaire hollywoodien, derrière les éloges du magnifique pouvoir d’achat dans les pays capitalistes et la prétendue liberté de l’Occident par rapport à la morne existence de l’univers communiste. Pour les mondialistes, tant que la menace soviétique (vraie ou hypothétique) planait à l’horizon, il n’y n’avait aucune difficulté à vendre des paroles creuses aux populations communisées de l’Est européen dont les rêves de la liberté se réduisaient souvent à la montée perpétuelle de leur pouvoir d’achat. Aujourd’hui, ce jeu mensonger de cache-cache libéralo-communiste ne fonctionne plus. Le bestiaire capitaliste montre chaque jour sa gueule vorace en Croatie et ailleurs, supprimant le sens de la solidarité nationale et faisant des citoyens croates de grotesques imitateurs de lendemains qui ont, depuis belle lurette, fini de déchanter en Occident. Tout à ce que l’internationalisme communiste a raté, le mondialisme libéral l'a réussi. On observe en Croatie les anciens apparatchiks de l’époque yougo-communiste se décorant, cette fois ci, des symboles capitalistes, et utilisant la nouvelle langue de bois apprise chez leurs camarades bruxellois. En jurisprudence, en haute éducation et surtout dans la diplomatie croate, les anciens commissaires yougos ont abandonné le look militaire pour le vernis de la superclasse mondialiste, tous arborant désormais des brevets de bons et dociles élèves de Bruxelles et de Washington. Même l’entrée de la Croate dans l’UE fut une farce inhérente aux jeux du démocratisme parlementaire, comme ce fut auparavant le cas partout en Europe. Lors du référendum de janvier 2012 pour l’entrée dans l’UE le taux d’abstention en Croatie s’est élevé à 56,46 % et ce n'est qu’une petite couche de la population croate qui a voté « oui » pour l’UE. Si l’on compare ce référendum à celui de 1991, où 85 % de citoyens croates s’étaient déclarés pour la sécession d’avec la Yougoslavie, on voit une fraude démocratique supplémentaire. A la veille dudit référendum pour l’UE, la classe politique, à Bruxelles et à Zagreb, a délibérément abaissé le palier de votes pour rendre le référendum valide, démocratisme parlementaire oblige -- ce qui fut déjà fort bien décrit par le grand savant Carl Schmitt.

Capitalisme, communisme, identité Aujourd'hui, le commissaire communiste ne présente plus aucune menace pour les nationalistes d'Europe dont les préoccupations, à l’heure actuelle, portent davantage sur l’afflux massif d'immigrés non-européens que sur la peur du Goulag. Le problème réside plutôt chez les Commissaires de l’Union Européenne et leur Evangile sur « la libre circulation du capital et de la main d’œuvre ». Au moins la Croatie, comme d’ailleurs tous les pays de l’ancien Est communiste, peut se targuer d’être le pays plus européen que l’Europe de l’Ouest vu le fait que les immigrés non-Européens sont toujours une espèce rare dans le pays. Rétrospectivement, et à la lumière des vagues interminables de l'immigration non-européenne, la question se pose de savoir si le communisme, après tout, était vraiment un danger mortel pour les peuples européens? Il est fort possible que si l’Union Soviétique l'avait emporté sur l’Amérique, avec son hégémonie culturelle, les peuples d 'Europe occidentale auraient sauvegardé leur identité raciale et nationale beaucoup mieux que sous le capitalisme. Ce n’est pas un hasard du tout si en Croatie, comme d’ailleurs dans toute l’Europe de l’Est postcommuniste, la conscience nationale et raciale est aujourd'hui plus affirmée que dans les pays de l'Europe occidentale. Cette forte identité nationale est peut- être due en partie à la terreur communiste d'autrefois qui avait paradoxalement réussi à renforcer les sentiments nationalistes, soudant le sens de la communauté mieux que le Système capitaliste. Ce qui tenait la Yougoslavie communiste en vie était surtout son langage surréel et son historiographie hyperréelle, basée sur le prétendu danger de la bête immonde du fascisme croate toujours aux aguets pour renverser la chère patrie yougoslave. La Yougoslavie communiste ne pouvait pas fonctionner sans l’éternel discours antifasciste et anti-croate. Certes, peu de citoyens yougoslaves croyaient aux balivernes communistes, quoique tout le monde, d’après les règles non-inscrites de l’homo sovieticus, fît semblant d’y croire. Or, ce même langage déformé et ce même imaginaire démonologique utilisés naguère par les scribes yougo-communistes contre leurs opposant nationalistes croates sont devenus aujourd’hui les outils fructueux d'un Système mondialiste qui est à la recherche de ses propres boucs émissaires, en l’occurrence les nationalistes et identitaires français et allemands. Les mêmes signifiants utilisés naguère en Yougoslavie contre les mal pensants sont devenus les nouveaux mythes fondateurs du mondialisme capitaliste. Tomislav Sunic (https://www.tomsunic.com/) est écrivain. Son dernier ouvrage en français, Chroniques des temps postmodernes, vient de sortir à l’édition d’Avatar.